Conan |

1999

Portrait d'un "sémaphore"

52x60 cm, peinture sur bois

2008

Portrait tribal

52x60 cm, peinture sur bois

2008

Portrait d'une forte tête

52x60 cm, peinture sur bois

1999

Portrait utopique

52x60 cm, peinture sur bois

2012

Portrait d'un frère carmagnole dans son scaphandre à trois mètres au dessus du niveau de la mer

52x60 cm, peinture sur bois

2008

Portrait d'un régisseur

52x60 cm, peinture sur bois

2009

Avec un petit nuage et une comète

52x60 cm, peinture sur bois

1999

Portrait d'un samouraï vingt minutes avant le combat

52x60 cm, peinture sur bois

LES PORTRAITS



De l’Australopithèque à nos jours tout simplement. Avec cette nouvelle exposition, Christophe Conan cadre au plus près quelques uns des multiples visages de l’homme. En effet, cette livraison se déploie en soixante-quatre portraits, tous au même format, grandeur nature (52x60 cm). La méditation poétique et les propositions esthétiques développées au long de cette série font échos aux recherches qui traversaient les diptyques et les triptyques de « l’Instinct du Désir ». Et à nouveau le peintre interroge la nature du temps. Mais cette fois-ci exclusivement par le jeu d’un face à face subtil avec l’humain.





Le temps ? Mais quel temps ? Celui du mouvement des galaxies ou celui de la vie ordinaire ? Celui qui estompe dans l’obscurité le passé, celui des mythologies oubliées ou celui des chronomètres ?



Ces temps que nous peinons à cerner, au point de les mésestimer souvent et auxquels nous revenons nous heurter sans cesse sont les ferments du travail de Christophe Conan. Ce sont eux et la volonté créatrice, qui précisent un visage, déterminent l’utilisation d’une manière, dessin précis ou croquis lyrique. Alors nous redécouvrons leurs diversités à l’œuvre dans la diversité du peintre. Il rend leurs contradictions visibles.




Cette troisième exposition est centrée sur la comédie humaine : de millénaires en civilisations, elle se joue à guichets fermés. Christophe Conan nous propose de vaguer dans un labyrinthe étonnant. De multiplier les rencontres avec, au hasard, un « Oiseleur sicilien ayant attrapé quinze volatiles pour son dîner vers 432 » ou un « Discret indiscret » ou encore avec un « Photographe prenant une vue imprenable lors d’une dangereuse action vers 1902 ». Ce parcours est la mise à jour, de prime abord insensée, d’une poignée de spécimens d’une race intrigante : l’homme. Voici donc un étrange inventaire pour rire. Rien de plus sérieux. Voici une vaste histoire qui tient à des pièces de fer, à des bouts d’aluminium. Voici des nuances de l’esprit précisées par la peinture, des instantanés de vie jaillis d’assemblages de clous, de traînées de résine, de pièces d’étain, de végétaux, collés aux supports en bois. Pour chaque regard, une époque, pour chaque visage, un état d’esprit… Et une myriade d’interactions possibles. Christophe Conan ? Toujours aussi difficile à saisir et à enfermer ! En voilà un qui choisit une soixantaine d’êtres humains sur une gentille période de trois millions d’années. Un genre de Joconde simiesque pour ouvrir. Et puis ailleurs un scaphandrier bien boulonné. Ou plus loin en une dizaine de lignes comme lacérées dans une surface grise, avec pour regard deux tremblements fiévreux, un poète : ce pourrait être Apollinaire en descente de guerre.





Mais cette exposition ne saurait se résumer à des ricochets à la surface de l’histoire. Nous assistons aussi à une comédie dramatique et contemporaine. Avec des rêves qui prennent la dimension de l’homme. Des vanités un peu bancales donc. Et puis encore des ambitions plus ou moins discrètes. Des effrois gardés au secret mais qui sourdement travaillent les traits. Nous passons alors, par étape, d’épisodes tendres, burlesques parfois, à des scènes où le doute affleure. Nous sommes confrontés à la violence, à l’étonnement, à la multitude des émotions, aux cycles des sentiments.

Ces tableaux ne sont pas pour autant les pages d’un catalogue d’attitudes. Christophe Conan en concentrant son travail par quelques règles strictes et simples, similitude des formats et variations sur un thème, a, en définitive, mis en place un redoutable dispositif à provoquer l’imagination, à interroger le savoir et la responsabilité de chacun. Il apparaît alors que ces portraits peuvent autant pointer notre imperfection viscérale que rendre, dans le même temps, hommage à la richesse et à la diversité des cultures humaines. Mais si tout grand œuvre, au sens alchimique, transmue les évidences en riches interrogations, les certitudes stériles en émerveillements féconds, il importe surtout qu’il signale sa vivacité par une force propre. Laissons le temps, abandonnons l’histoire à ses mutations, l’homme à ses simagrées.




Il reste des compositions extraordinaires d’inventivité. Il reste des jeux de couleurs et de matériaux déployés avec sensibilité et énergie. Il reste des prises de risque, des paris d’envergure, des partis pris, des pieds de nez désinvoltes, des volte-face, des grands écarts. Il reste l’utilisation de techniques issues de la tradition picturale : le glacis ou le dessin classique au crayon. Il reste, par ailleurs, des assemblages surprenants, par exemple d’ossements, qui renouent avec les vieilles magies tribales. Il reste des détournements hallucinés : une mâchoire de renard, des salamandres séchées ! Ajoutez à cela de la mine de plomb, de la peinture, à l’eau ou à l’huile, du fil de fer, des ferrailles dentelées… Il reste des pièces dont chaque partie, du centre à la périphérie, du sujet au cadre, participe à part égale d’un ensemble. Il reste l’essentiel : un style d’une modernité percutante. Et tout cela saute aux yeux. En beauté. Alors le dialogue commence.

Pierre Marie Bodeven Août 1999